December 26, 2004

Grand Theft Ego



Quand l'esprit est retenu lié, il s'efforce de vagabonder dans les dix directions.
Lorsqu'il est laissé libre, il demeure immobile.
J'ai compris qu'il était un animal contrariant, comme le chameau.

-- Saraka, lama tibétain

Grand Theft Ego est une drogue synthétique mise au point à l'Institut International de Neurosciences à Natal au Brésil dans le cadre d'un projet confidentiel commandité par l'armée brésilienne. Le projet (nom de code: Dream Catcher) avait pour objectif de mettre au point un dispositif qui reproduirait sur support informatique une conscience humaine prise à un instant t. L'esprit humain copié-collé et prêt à faire tourner par un système logiciel associé.

Grand Theft Ego est le nom adopté par les dealers opérant sur le marché noir. La formule couramment exploitée pour la mise au point de la version illicite, facilement obtenue sur l'Internet, n'est plus qu'un ersatz frelaté de la version d'origine.

La formule subit de légères variations selon le marché ciblé. Les favalas de Rio, les discos de Miami, les traders à New York, les courtiers à Londres, les boîtes gay à Paris connaissent tous leur cocktail maison.

Sarcelles abrite les plus gros laboratoires clandestins de Grand Theft Ego en Europe continentale et sert de plaque tournante pour les filières qui alimentent les pays de l'Europe de l'Est.

L'agent chimique, dont la structure moléculaire avoisine celle de la méthadrine pure, est utilisé afin de ralentir le fonctionnement des neurones et des synapses en vue de capter leur état. S'ils sont ralentis jusqu'à l'immobilité, les neurones sont pris dans une camisole de force et livrés à un déluge de feu à l'instar d'une pellicule de film figée un instant de trop devant la lampe du projecteur. La folie est la seule issue de ce lieu innomable.

Démuni du bénéfice d'un passé, privé de l'espoir d'un avenir, l'utilisateur habite un présent immobile et éternel, paralysé hors du temps. Passé, présent, et futur fusionnés en un méta-instant réceptacle de tous les instants. L'esprit du sujet est enseveli par ce continuum et l'insoutenable révélation qu'il véhicule.

December 25, 2004

Stream of consciousness 3

Dictée reçue par hallucinations auditives et passée aussitôt en play-back.

December 24, 2004

Stream of consciousness 2

Récit au flux divaguant articulé selon un flou calculé, dans un style parlé qui ne fait que répéter texto la voix qui résonne dans sa tête.

December 23, 2004

Stream of consciousness 1

Discours fleuve en patchwork rafistolé de fil en aiguille à partir de zappings neuronaux.

December 22, 2004

Morose ennui à contes d'auteurs

Mais quels étaient donc ces asticots qui grouillaient sur le cadavre de ce qu'on osait encore appeler littérature française à la fin des années 90 ?

La déchéance voulait que certaines maisons d'édition, dirigées par des cabotins fangeux davantage connus pour leurs frasques en boîte de nuit que pour leur flair littéraire, publiaient les journaux intimes de roulures qui roulaient sur l'or, pisseuses dépressives mais fortunées qui faisaient monnayer les récits banals de leurs mille et une parties de double pénétration. Bavardages sur leurs coups doubles crachés par des bouche-trous béants.

Sinon, il était impossible de rendre visite à son éditeur pendant ces années-là sans tomber sur ces pédérastes veufs, purulents imbéciles, qui tentaient désespérément de faire publier les énièmes recueils de poèmes de leurs petits copains sidaïques expirés (textes morts-roses). Sous-poésie suppurée par des scribouillards dont la transcriptase ne rimait à rien. Même colportée sous le manteau, La Pensée Universelle n'en voulait pas.