J'entre dans le tunnel. Le bourdonnement des véhicules y est assourdissant. Je trouve l'emplacement dédié au point d'eau et je m'y cache pour guetter la manifestation des premiers signes. L'épiphanie se fait attendre.
Son arrivée a lieu directement en face, là où la surface du mur est recouverte d'écailles blanches. Ce tableau laiteux se couvre d'une écriture fluide. Mon soliloque fleurit sur la surface pour s'y faner presque aussitôt. Il m'est télégraphié en script cursif tracé par les reflets rougeoyants des feux arrières des voitures qui passent, composant des glyphes sur les écailles. Les irisations tournoient en s'estompant progressivement.
La dictée signale le début de mon écriture neurochimique, transcription directe dans mon centre de gravité narratif grâce aux persistances rétiniennes poinçonnées les unes sur les autres.
Le récit avance au rythme des klaxons. Les épais gaz d'échappement donnent de la chair aux mots.
Mon nègre blanc à moi est un oracle monolithe, palimpseste d'albâtre d'où naît mon codex.
Juste avant l'aube, je remonte sur l'échangeur d'autoroute pour entamer ma marche vers la Porte Maillot. Au loin, l'Hôtel Concorde La Fayette trône sur le quartier. Les antennes totémiques perchées sur son toit éperonnent le ciel de plomb.