November 28, 2004

Manifesto Destiny

Assez de ces textes qui retentissent dans le vide brièvement avant de s'évaporer, ne laissant derrière eux que quelque relents nauséabonds d'un nombrilisme devenu envahissant. Ces textes sans accroche qui passent en coup de vent, pondus par des égotistes se dandinant dans toutes les postures d'une subversion improbable devenue partie intégrante du consensus général.

Comment venir à bout de l'esprit de nos contemporains sclérosés par un abrutissement humaniste de tous les instants ? Il faut faire de nos textes des Armes de Dérangement des Masses.

Bombes logiques camouflées et neurociels off-line, chevaux de Troie programmés en vue de tout dérégler jusqu'au point de susciter un cathartique écartelement des sens.

Faisons sauter les <balises/> et brouillons les repères. Écrivons tout et son contraire. Ordonnons le chaos tout en semant la pagaille. Illuminons les recoins les plus sombres tout en portant les ténebres à la plus orgueilleuse Ville Lumière. Vautrons-nous dans le stupre des pires sacrilèges en vue d'atteindre les cîmes de la vérité la plus sacrée.

Gavons nos fresques boulimiques qui engloutissent tout, jusqu'à se boucler sur elles-mêmes. Accouchons de fils conducteurs trempés dans une anorexie délirante, se ravalant jusqu'à ce que le processus d'amenuisement fasse révéler l'essence première de nos récits.

Rampons visages masqués se délectant de cocktails avariés et elixirs caniveaux. Squattons l'espace engendré par la Très Grande Vacuité afin de mener à bien notre projet de subversion métaphysique.

Ouvrons les écluses pour lâcher des récits fleuves qui puiseraient dans les sources lexicales afin de mener à bien leur travail de sape dans les sous-bassements inondés de l'intellect. Contaminons les courants phréatiques de l'esprit. Rongons les fondations de cette piètre sagesse populaire et, une fois l'écroulement de l'édifice terminé, faisons sautiller nos feuilles follettes sur les gravats qui édifieront les fondations de la nouvelle structure absolue.

Rédigeons nos agents neuronaux infiltrés, des cellules dormantes tapies dans les recoins les plus difficilement accessibles du cerveau. Cellules en état d'éveil et toujours prêtes à s'activer pour ensuite survoler, comme des drones sans pilote, jusqu'aux horizons de la pensée assiégée.

Lançons notre flotte de manuscrits enluminés, ouvrages son et lumière, planant sous le radar de la conscience. Bombardiers furtifs, propulsés par un kérosène à base de pulp fiction, lâchant nos bouquins MOAB, tômes-pavés qui se décomposent sur des lignes de failles fractales pour s'éclater en carnets de nouvelles éparpillés aux quatres vents. Bombes Bibles à fragmentation.

Ayons pour objectif de faire résonner nos textes dans les esprits ciblés, bien longtemps après leur lecture, non comme des migraines ou des tubes de l'été, mais comme des mythes et des proclamations oraculaires.

Faire la cour à la conscience et séduisons les rêves, nullement en vue de procurer un quelconque divertissement au lecteur, mais dans le but de posséder par le viol sa sous-conscience. Onirisme Génétiquement Modifié.

Avec une frénésie d'insertions, de suppressions, de permutations, de transmutations, de rapetissements, de mots coupés, de mots collés, de mots raturés, tissons une toile d'araignée tramée à toute allure selon un savant câblage garantissant le court-circuitage des idées reçues.

Serpes à synapse pour tailler dans le vif du sujet, pilotons les textes Boeing ciselés au cutter qui s'enfoncent à toute allure dans les deux Tares Jumelles qui sont l'humanisme et la tolérance. Exploitons le raz-le-bol et faisons table rase de tout ce qui nivelle par le bas.

Dirigeons notre écriture droite comme la flamme d'une torche au propane, neurones crissant sous l'effet corrosif de nos hymnes, synapses soudés à notre guise, la narration chauffée à blanc fouettant l'esprit d'un souffle sulfureux.

Envoyons des récits en courriels vérolés au coeur du processeur cérébral afin de déclencher la gestation d'une excroissance textuelle infectueuse. Word Virus.

Fécondons le tissu du cervelet de valeurs pregnantes. L'esprit ainsi impregné, frelatons le placenta qui nourrira les organismes laissés en gestation. Une fois arrivés au point de rupture transtextuelle, au moment de l'obtention de la masse critique qui altère le fonctionnement même du cortex, provoquons l'emballement transcriptase qui use des tréfonds lexicaux afin de procéder au travail de contamination générale. Le Verbe se repaît à même le cerveau enkysté. Point de possibilité de rémission. Nous sommes au volant du Métastase Overdrive.

En expert traficants d'âmes, effectuons une plongée en apnée dans les bas-fonds de l'esprit du lecteur en vue de lui trafiquer la conscience. Grand Theft Ego.

Jetons aux orties tout ce qui se rapporte à la beauté du geste. Les vains efforts de style sont perte de temps et peine perdue. Mettons 'le paraître' entre guillemets et (les poseurs) entre parenthèses. Tirons un trait définitif sur ces récits en dentelle cousue à la fine aiguille, et à la place, pour mettre les points sur les 'i', forgeons une arme létale à partir d'un chapelet de mots, incantatoires et incandescendants, tressé avec la précision d'une chaîne d'ADN qui encapsulerait à la fois une école de pensée et son devenir. Sainte dictée hélicoïdale.

Tripatouillons les gènes, faisons un réassemblage des molécules à partir de récits transtextuellement modifiés destinés aux champs de neurones en friche. Cultivation biotextuelle.

Numericité au service de la structure absolue. La narration apparentée à la machine. Inventons le texte assembleur s'autofabriquant à partir de mots imbriqués les uns dans les autres par un nano-engin neuronal de notre conception. Texte généré et gravé à même le cerveau. Toutes marques déposées.

Les mots grouillent, innombrables nanoparticules surchargées suppurant d'un grey goo1 qui chute dans la moelle épinière avant de se calcifier en vertèbres. Cinquième colonne idéologique qui prime sur tous les Deus Ex Machina imaginables.

Vers solitaire littéraire se nourrissant de matière grise et se tortillant sous les yeux du lecteur qui, voyant le grouillement sous sa peau, écarquille les yeux dans un moment d'émotion vraie, authentique, et enfin justifiée. Le voilà révéillé de sa torpeur. Grimoire gore.

Ressourçons-nous dans la nuit blanche éternelle rythmée par le pouls du dub créatif. Réalisons notre ultime remixe éschatologique, scratchant sur les touches de nos claviers-platines de l'Apocalypse. Chillout chim(ér)ique.

1: Grey goo - gelée grise.

November 16, 2004

Tunnel vision

Ce matin, petite plongée en apnée avec la faune parisienne. Leur vue cachée par les œillères Tele 7 Jours et L'Equipe, le wagon RATP achemine les bêtes de somme vers leur destination de grégarité bestiale.

Têtes baissées, traits creusés par la résignation, avec cette attitude du bétail qui se dirige inéluctablement vers l'abattoir, les passagers se laissent bercer par le poids mort du cérémonial sans cesse recommencé. La rame gicle de station à station, une coulée de plus dans leur existence qui glisse en avant implacablement telle une lave bouillonnante de mornes platitudes.

November 1, 2004

Lucidité

Trop têtu pour détourner le regard, les yeux fixent un point à l'horizon. Le champ visuel, comme une pélicule de film au cinéma dont les perforations se disloquent sur la bobine, commence à sautiller. La vue saccadée, c'est au tour de l'audition de se déregler, telle une bande sonore parasitée elle fait place à une longue symphonie de bruits de rayures. Le champ de vision, figé un instant de trop devant la lampe du projecteur, part en fumerolles argentées, se déchirant en arabesques. Ce qui reste n'est que réalité.