Le propre des bas-fonds est de ne jamais être illuminés, tout projecteur étant interdit dans ce théâtre d'inguérissables, dépourvu de scène car tout en coulisses.
Bien que ce carrefour grouille de monde, il fonctionne en cul-de-sac. Comme un vortex qui aspire les passants, personne ne passe à travers, chacun étant pris dans les maillons du filet invisible. On hésite, on trébuche, et on finit sur un banc. Celui qui hésite est perdu, cloué au carrefour comme à une croix.
Absolumment tout est noirci et graisseux. Le trottoir vire à l'ébène. L'autobus passe en trombe laissant derrière lui un épais nuage de gaz d'échappement. Deux pieds couverts de sacs poubelles sortent de derrière un long bac rempli de plantes artificielles. Des formes vaguement humaines gravitent autour de moi, leurs bras ballants, mugissant des borborygmes, des onomatopées, et divers mêêêêêêêê et bêêêêêêêê.
Sur le banc, un clochard à demi endormi et sapé de haillons crasseux se retourne péniblement. Ayant perdu un ultime face à face avec ses démons, il se débat avec les feuilles de journal qui lui servent de couette. Pantalon baissé et chemise déboutonnée, sa peau a pris la couleur du riz gluant servi dans les bouis-bouis de Chinatown. Une coulée d'étron ruisselle sur son croupion et macule copieusement les feuilles. Merde in France.